La réussite certaine - même si à nuancer - du tax shelter pour l’industrie cinématographique belge donne des idées à certains. Pourquoi pas, en effet, adapter ce principe qui a fait ses preuves à d’autres secteurs que la culture, comme les Petites et moyennes entreprises innovantes ou les spin off par exemple ? C’était le thème d’une table ronde, cette semaine, au Club Entrepreneurs Solvay Alumni, qui invitait notamment Didier Reynders et Rudi Aernoudt.
La question part d’un constat : la difficulté qu’ont actuellement les PME belges pour trouver un financement. L’on constate, en effet, un problème récurrent de sous-capitalisation des jeunes entreprises. Les fonds propres étant la plupart du temps insuffisants, celles-ci doivent faire appel au financement par l’emprunt bancaire, méthode qui n’est ni la plus saine, ni la plus simple en ces temps de crise. Difficile pour elles de prouver leur capacité de remboursement.
Par ailleurs, force est de constater qu’en Belgique, il y a énormément d’argent somnolant sur les comptes épargne, ceux-ci bénéficiant, pour l’instant, d’un avantage fiscal important : l’absence de taxation sur l’intérêt jusqu’à concurrence de 100 000 euros de dépôt. "Or, un épargnant investissant dans une start-up prend beaucoup plus de risques, et s’il reçoit des dividendes, ceux-ci sont taxés à 25 %", réagit Xavier Corman, coorganisateur du Club Entrepreneurs. Il y aurait là, selon lui, quelque chose d’immoral.
À partir de ces deux constatations, comment inciter le Belge à investir dans ses entreprises créatrices de valeur ? Pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui a fait ses preuves, le tax shelter actuellement appliqué aux investissements dans les œuvres cinématographiques ? Pour rappel, mis en place au niveau fédéral en 2004, le tax shelter permet une exonération fiscale de 150 % du montant investi en Belgique dans une production audiovisuelle. Par exemple, les 100 000 euros vivotant sur le compte d’épargne, s’ils étaient investis dans une production en Belgique, bénéficieraient d’une exonération fiscale de 100 000 euros x 150 % x 33,99 % (taux d’imposition des entreprises), soit 50 985 euros.
Adapter un principe similaire aux investissements dans les entreprises innovantes ? Cela se fait déjà en Grande-Bretagne, pour les entreprises technologiques, système calqué il y a quelques mois par la Finlande. La question posée lors de la table ronde était celle-ci : "un tax-shelter pour entreprises innovantes : possible ou souhaitable ?" Selon Didier Reynders, le principe est souhaitable pour autant que la Commission européenne soit d’accord. Si elle l’a été pour la Grande-Bretagne et la Finlande, pourquoi ne le serait-elle pas pour la Belgique. Pour que cela fonctionne, il faut aussi une taxation élevée à la base, condition déjà bien remplie en Belgique, et éviter au maximum les intermédiaires entre entreprise et investisseur : ce dernier doit pouvoir choisir le lieu de ses placements.
Reste un problème bien belge : l’épargnant a une aversion au risque, et l’entrepreneur voit d’un mauvais œil une intervention extérieure : "Certains préfèrent un petit gâteau pour eux qu’un plus gros à partager éventuellement." Mais "la fiscalité peut changer les mentalités", estime Xavier Corman. Pour preuve le cinéma belge, où les producteurs, au lieu d’aller frapper à la porte des subsides publics, ont pris l’habitude de chercher des investisseurs. Et puis, selon Xavier Corman, "une nouvelle génération d’entrepreneurs est en train de voir le jour, qui est prête à partager un peu du gâteau." En conclusion, Didier Reynders a proposé une étude académique sur les modalités d’une telle opération.
source : lalibre.be